La Campagne d'Astorack
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Les aventures d'un groupe de combattants perdus dans le merveilleux monde de l'Astorack
 
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 Histoire de l'Astorack (4) : Le Prix du Sang

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Callarduran

Callarduran


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MessageSujet: Histoire de l'Astorack (4) : Le Prix du Sang   Histoire de l'Astorack (4) : Le Prix du Sang EmptyDim 24 Oct à 13:42

Les premières souverainetés dominaient un royaume ou une île toute entière, car leur influence ne s’étendait pas par la coercition mais plutôt par des moyens plus subtils et plus ancrés dans les mentalités. Les premiers gouvernements réunissaient tous les chefs de tribus pour décider en commun de la marche à suivre dans l’ensemble du territoire, les choix locaux étant toujours réalisés à une échelle très décentralisée.
Dans ces conditions, il apparaît évident que les royaumes les plus efficaces dans la mise en œuvre de leurs politiques étaient ceux où la prise de décision était à l’apanage du plus petit nombre, permettant ainsi d’éviter d’incessants conflits de position idéologique. Le Royaume du Palandôr et celui des Plat’hauts, tous deux sous la domination unique d’un roi héréditaire de droit divin, se développèrent très rapidement bien au-delà des simples unions de tribus qui persistaient dans tout le reste d’Astorack.
Très vite, Fëainatol et Kementaruin devinrent les deux plus grands centres de puissance du monde, et nul ne sait vraiment les raisons du bouleversement qui survint alors. La prospérité de ces deux contrées attira-t-elle la jalousie de certains extérieurs avides de puissance ? Les Dieux protecteurs des nains et des hommes avaient-ils choisi de mettre leurs sujets à l’épreuve ?

C’est sur l’île des plat’hauts que les premières difficultés apparurent. Les nains, dans leur obstination isolationniste, faillirent signer la fin de leur race. Cet épisode de l’histoire du Royaume n’est contée qu’aux nains les plus méritants, de peur que ce moment de faiblesse ne soit révélé au monde. On ne sait finalement que très peu de choses sur cette époque, et cela malgré l’existence de nombreux ouvrages traitant de la guerre des Diables enfouis dans les profondeurs de la Grande Bibliothèque de Trehor Balimir.
Le conflit d’une ampleur colossale opposa les nains venus de toute l’île, alliés au sein de l’Alliance Noegyth, aux force conjuguées des gobelins, des orques et des derros du Maïr-Gador. Il semble que ces derniers aient été réunis par la force ou par la corruption par un seigneur diable dont on ignore le nom. Grâce à leur force de volonté et à leur maîtrise des outils stratégiques, les nains triomphèrent et détruisirent le portail diabolique qui était la cause de tous leurs maux.
Les derros survivants furent emprisonnés en profondeur dans de gigantesques forteresses d’internement, d’où ils ne devaient plus jamais ressortir. Gobelins et orques furent abandonnés à leurs querelles internes, la guerre ayant déjà suffisamment ponctionné les caisses du royaume. L’Alliance Noegyth persista et aboutit finalement à l’intégration des nains des montagnes et des profondeurs au sein du Royaume des Plat’hauts.

Ce premier choc annonçait déjà les menaces qui pesaient sur le monde du fait de l’intérêt que lui portaient les puissances des plans extérieurs. Mais ces événements furent étouffés, et lorsque le Mal surgit à nouveau aux confins de Fëainatol, les hommes furent pris totalement au dépourvu. Une politique un peu plus ouverte de la part des nains aurait-elle pu éviter le pire ? Rien n’est moins sûr, mais peut-être cela aurait-il permis aux suzerains du Palandôr de mieux préparer leur peuple à la calamité à venir…
L’Ordre Ténébreux fut fondé peu après l’avènement du prince Herumenel à Aramîr. C’était une organisation secrète de prêtres voués au Mal et qui contestaient la domination de Pélor sur le royaume. Les efforts mis en place dès sa naissance pour l’éradiquer restèrent vains, car le culte était très cloisonné et les quelques arrestations qui eurent lieu ne permirent pas de découvrir les chefs. Peu à peu, l’organisation tissa sa toile morbide dans tout Fëainatol. Parallèlement, elle sombra dans les méandres de l’oubli et faisait tout pour conserver cet état de fait, se préparant dans l’ombre pour le grand soir.
Ce fut quelques années après le triomphe de l’alliance Noegyth que les plans de l’Ordre furent mis en application, coïncidence qui ne peut que renforcer ceux qui voient dans les deux guerres le même effort démoniaque d’invasion du plan matériel. En une nuit, la ville d’Oroman, au nord-est de Fëainatol, tomba aux mains des séides des Ténèbres. La population tout entière fut massacrée, et l’escouade du Palandôr envoyée pour « pacifier » la région ne put que rebrousser chemin face à la vague de corps décharnés qui se dressaient sur leur passage.
Le roi du Palandôr, Arangîl, décréta sans tarder la mobilisation générale dans l’île, pour la première fois depuis la fondation du royaume. Des milliers d’hommes se rassemblèrent sous les hautes tours de marbre de la capitale, Aramîr, et se préparèrent à la guerre. Moins d’un mois après la chute d’Oroman, la plus grande armée humaine jamais rassemblée à la surface d’Astorack se tenait prête à repousser ses ennemis d’outre-tombe.
Les nouvelles n’étaient cependant guère réjouissantes, car dans le Nord de nombreux villages avaient succombés à leur tour à la lèpre de l’au-delà, réduisant d’autant les recrues de la Lumière. Les éclaireurs capturés par l’ennemi encore mal identifié étaient tués sans ménagement. Toute négociation était impossible, l’honneur du royaume dictait que ses soldats devraient vaincre ou mourir.
Les premières batailles tournèrent à l’avantage des vivants, grâce notamment aux charges dévastatrices des paladins anatoliens. Mais des hommes tombaient, leur nombre diminuait, alors qu’en face la horde damnée semblait infinie. Et en effet, les défaites succédèrent aux victoires, et petit à petit l’espoir disparut. Quelques mois s’écoulèrent, ponctués par de sanglantes rencontres entre les deux armées, et la vague des Ténèbres finit par arriver en vue d’Aramîr.
Le siège de la capitale du Palandôr dura plusieurs semaines et auraient pu se prolonger des mois encore, si une odeur étrange et âcre n’avait envahie les sous-sols de la ville. Un gaz mortel semblait suinter de la terre elle-même, et la cité devint vite invivable. Les milliers d’anatoliens qui y avaient trouvé refuge se mirent à émigrer en grand nombre vers le sud. L’Exil commençait.
Aujourd’hui encore, alors que plus aucun humain n’a mis les pieds dans la région depuis des siècles, on raconte que les environs de la capitale en ruines baignent dans un étrange brouillard nauséabond d’origine surnaturel, détruisant toute forme de vie dans un très large périmètre. La plus majestueuse cité de l’histoire est devenue un bourbier malsain hanté par les esprits de ceux qui y sont morts des siècles auparavant.
Une fois Aramîr tombée, l’avancée de l’Ordre Ténébreux fut fulgurante. Portées par une brise glaciale, les armées de cauchemar se ruèrent à l’assaut du reste de l’île. Les derniers anatoliens se regroupèrent le plus loin possible vers le sud-ouest, juste avant le Pont, derrière les hauts murs de la forteresse d’Argent. Mais les bouches à nourrir étaient trop nombreuses, et le roi Arangîl se décida à envoyer ses deux fils, le mage Celeborn et le paladin Amras, tenter leur chance de l’autre côté du Pont.
Avec une poignée de soldats, le roi réussit à tenir la forteresse, interdisant aux hordes mort-vivantes de poursuivre leur invasion du reste d’Astorack. Arangîl mourut peu après, au cours de l’immensément célèbre bataille de la Vallée des Larmes, qui marqua le premier triomphe des vivants sur les morts depuis la chute d’Aramîr. La défense de la forteresse échut au plus charismatique des capitaines du Palandôr, dont la lignée assure depuis la protection de l’édifice, soutenue par les renforts qui affluent en permanence depuis Celebrintalath, où Celeborn installa le nouveau Palandôr.
La bataille d’Argent, entamée il y a des siècles, n’est toujours pas terminée. Astorack a énormément changé, les autres îles ont évolué et se sont développées, mais c’est là, devant cette forteresse immuable, que se joue le destin du monde. Si ses défenseurs plient, personne ne sera plus en mesure d’empêcher le déferlement des ténèbres dans le plan matériel.

Celeborn et Amras prirent donc la tête des survivants du Palandôr, plus de dix mille hommes, femmes et enfants, et traversèrent le Pont, jusqu’à Peltoldôr. Là, ils trouvèrent des terres vierges et sauvages, et croisèrent plusieurs fois le chemin de barbares semi-nomades, qui voyaient d’un mauvais œil l’arrivée de tant d’étrangers sur leurs territoires de chasse. Les deux princes comprirent très vite qu’ils n’étaient pas les bienvenue sur l’île. Il leur fallut donc marcher encore, à la recherche d’un endroit plus propice à l’installation d’une si importante population.
Amras ne dormait que très peu, et il semblait de plus en plus taciturne et maussade. Lorsqu’on l’interrogeait sur sa santé, il répondait avec violence qu’il était bien assez grand pour se préoccuper de son propre bien-être. A peu près à mi chemin entre le pont de Fëainatol et le pont d’Arëladannon, le paladin laissa éclater sa rage, arguant que le groupe s’éloignait trop de leur île d’origine et qu’ils n’auraient jamais le courage de renvoyer des renforts vers la forteresse, même s’ils en trouvaient le moyen. Il s’entêta à démontrer que la vengeance devait être le premier objectif des exilés, et que ce n’était pas en abandonnant la forteresse d’Argent qu’ils y parviendraient. Il finit par annoncer sa décision de prendre le chemin du Sud-Est pour fonder une cité le plus près possible des ruines du Palandôr.
Celeborn se doutait, dans sa grande sagesse, que ce moment arriverait un jour. Il ne tenta même pas de raisonner son frère, connaissant l’entêtement et le dogmatisme de celui qu’il avait vu grandir et mûrir. Plus de deux mille hommes, principalement ceux qui avaient tout perdu pendant la guerre, suivirent Amras dans sa quête de la rédemption. Les autres poursuivirent vers l’Ouest, jusqu’à arriver en vue d’Arëladannon.
La petite île ne les attira guère, car elle était infestée de kobolds, petites créatures sournoises et vicieuses. Ils parvinrent finalement sur Celebrintalath, où gnomes et elfes accueillirent avec curiosité ces êtres à la peau bronzée. Celeborn, qui était l’un des rares humains à avoir percer les secrets du monde des arcanes, s’entendit à merveille avec les races autochtones. Après de longues négociations, l’Assemblée des Vigilants finit par accorder aux hommes le droit de s’installer sur l’île.
Celeborn partit en quête d’un terrain adapté et finit par fonder Aramãn, nouvelle capitale du royaume renaissant du Palandôr, dans les grandes plaines du centre de Celebrintalath. Progressivement, des colonies humaines s’élevèrent dans toute l’île, depuis les terres glacées du grand Nord jusqu’aux forêts quasi tropicales du Sud.
Depuis, la cohabitation avec elfes et gnomes a toujours été chaleureuse, grâce à la mentalité fiable et travailleuse des exilés de Fëainatol. Les humains se gardent bien d’empiéter sur les territoires sacrés des elfes, qui de leur côté évitent de trop se mêler aux affaires politiques du Palandôr. Lorsque, quelques décennies après l’arrivée des hommes, un premier détachement fut envoyé vers Fëainatol, des elfes s’y joignirent de leur plein gré, et depuis il est de tradition qu’à chaque départ vers la forteresse d’Argent, un petit groupe d’archers sylvestres s’associe aux soldats du royaume.

De son côté, Amras mena ses suivants vers le sud-est, où il pensait trouver des terres riches et inexplorées. Lorsque ses éclaireurs lui indiquèrent un pont droit devant, il crut avoir découvert ce qu’il cherchait : une île fertile où installer ses colons. Il dut très vite déchanter : Romenostol était une vaste étendue aride de plateaux secs et de déserts sans eau. Néanmoins, Amras interpréta ces conditions peu favorables comme une épreuve divine qu’il leur faudrait surmonter avant de pouvoir penser à la vengeance.
Les deux milles exilés montèrent un campement de fortune auprès de la première oasis qu’ils découvrirent, et commencèrent la construction d’une nouvelle cité. Entre tempêtes de sable, nuits glaciales et attaques de créatures de désert, les morts se comptèrent par dizaine dans les premiers jours. Mais le charisme d’Amras parvenait à maintenir les survivants soudés dans l’effort, et au bout d’un mois les premières maisons de bois étaient habitables. Pour se protéger du désert, d’immenses barricades de bois furent ensuite élevées tout autour de la colonie. Petit à petit, Lithost sortait des sables.
A l’intérieur des remparts régnait une discipline de fer. Amras, de plus en plus convaincu de la justesse de sa cause, avait abandonné Héronéus pour se tourner vers l’adoration de Saint-Cuthbert, Dieu de la Vengeance et de la Loi. L’ordre était maintenu dans la cité par l’intermédiaire de fidèles fanatisés, qui jouaient tout à la fois le rôle de prêtres et de miliciens. Les autres cultes étaient interdits, nul ne devait détourner son regard du Dieu unique.
Quelques années plus tard, la ville subit sa première attaque barbare. Les anciens anatoliens n’étaient donc pas seuls sur l’île ; quelques tribus semi-nomades et violentes y habitaient aussi. La réaction d’Amras fut sévère et impitoyable : Saint-Cuthbert ne tolérait aucune opposition, et ceux qui s’opposaient à ses enfants devraient se soumettre ou mourir. Lithost n’était que le premier pas dans la conversion de toute l’île, et bientôt le Croyant triompherait de l’infidèle. Au cours d’un long discours prononcé juste après l’assaut barbare, il se proclama premier souverain du nouvel Empire du Juste Châtiment.
La vocation expansionniste de l’Empire n’était pas que mots : en quelques siècles, de nouvelles cités furent fondées dans tout Romenostol. A chaque fois, elles étaient construites sur le même modèle, entourées d’un épais rempart de bois ou de pierre, dont l’utilité est tout autant la défense contre l’extérieur que la surveillance des habitants de l’intérieur. Un conflit éclata avec les hobgobelins du Sud de l’île, et la guerre qui oppose les deux empires n’est toujours pas terminée.
L’objectif d’Amras, à savoir la vengeance contre l’Ordre Ténébreux, a été oublié depuis longtemps. Les empereurs qui lui ont succédé ont fait de l’Empire une dictature religieuse fanatique, dans laquelle les nombreuses castes et guildes de soldats n’ont pour vocation que la défense et la diffusion des préceptes de Saint-Cuthbert. L’Inquisition contrôle d’une main de fer toute l’activité économique, religieuse et militaire de l’Empire, immolant par le feu ceux qui font preuve de trop de faiblesse.
Plusieurs croisades ont aussi été lancées contre un peuple ou une communauté déclarée hérétique par l’Empereur, et la plupart ont fini dans un atroce bain de sang, sans pour autant atteindre leur but de conversion ou d’expiation. On raconte que derrière l’assassinat de hauts dignitaires de Teldagorost se cache aussi l’action invisible de l’Inquisition, qui agit dans l’ombre pour la rédemption des incroyants. Nul ne sait réellement quelle est l’étendue des pouvoirs de l’Empire à travers Astorack, mais il est certain que les services de renseignement, d’infiltration et d’action souterraine du Juste Châtiment comptent parmi les plus efficaces du monde.


Mais ces tragédies locales n’étaient qu’un avant-goût du drame qui allait se jouer sur Astorack dans les siècles qui suivirent. Ce déluge de violence reste à ce jour inexpliqué. Les causes matérielles qui ont présidé au déclenchement du conflit sont certes connues, mais cette guerre a révélé des fractures idéologiques bien plus profondes, qui se sont manifestées dans le sang et les larmes. Des peuples et des royaumes que l’on croyait liés par une amitié loyale et sûre se sont déchirés dans la mort en cette période troublée. Seules les alliances les plus solides ont résisté à leurs pulsions auto-destructrices. Beaucoup ont alors cru que le monde, après avoir survécu à l’assaut du Mal sur Kementaruin puis des Ténèbres sur Fëainatol, allait finalement succomber à la vague du Chaos. Cette hypothèse d’une influence sournoise et invisible des forces chaotiques pour faire basculer la Création est d’ailleurs la plus probable aujourd’hui, dès lors qu’il s’agit de comprendre les racines du traumatisme. Mais bien malin celui qui réussira à faire parler les puissances de l’outre monde sur leur véritable implication dans cet âge de ruine et de déréliction…

Quoi qu’il en soit, tout débuta par la volonté d’un homme, dont pourtant le nom n’était connu que de ses amis les plus intimes. L’archi druide humain Talienas Loriakim était l’un des hommes les plus sages et les plus réservés d’Astorack. Il vivait au cœur de la forêt d’Ambre de Peltoldôr, au sein d’un bosquet où les vivants vivaient en harmonie profonde avec la Nature. C’est de cet endroit qu’étaient décidées les réactions des druides du monde face aux événements qui pouvaient survenir.
Les conseils prodigués avec parcimonie par Talienas étaient très écoutés et suivis, et ses opinions avaient rarement été mises en défaut. Aussi, lorsque l’archi druide décréta qu’il fallait chasser les Celtalathiens de la surface de Peltoldôr, la majorité le suivit dans son désir d’éradication de ces premières traces de civilisation sur l’île. En effet, l’armée du Palandôr, dont le lieu d’action principal était la forteresse d’Argent, avait implanté à intervalles réguliers des relais sur le chemin entre Aramãn et le pont de Fëainatol. Par leur richesse et leur prospérité, ils attiraient de plus en plus de barbares toldôri qui quittaient leur tribu pour trouver un emploi au sein de ces refuges civilisés. L’archi druide ne pouvait tolérer cela, car l’île risquait à terme de perdre sa pureté et sa beauté naturelles.
Les représentants du Palandôr sur Peltoldôr reçurent donc des avertissements de la part des druides de l’île, mais au lieu de quitter les lieux sans discuter, ils choisirent d’envoyer des émissaires pour négocier. Talienas, qui assumait de fait la responsabilité des débats au nom de tous les protecteurs de la Nature, resta sourd à toutes les demandes des Celtalathiens, pourtant très raisonnables. Il finit même par décréter un ultimatum, donnant une semaine aux intrus pour abandonner leurs colonies.
Bien entendu, le Palandôr ne pouvait se priver de ces relais, sous peine de ne plus pouvoir alimenter en renforts la forteresse d’Argent. En outre, une semaine ne suffisaient guère à avertir le roi sur Aramãn, et ses lieutenants sur Peltoldôr durent donc prendre seuls la décision. Faisant fi des menaces, ils choisirent de conserver leur position, confiant dans le fait que les druides, connus pour leur pacifisme, n’oseraient pas attaquer.
Mais ils méprenaient le fanatisme de Talienas. Rejetant toutes les vertus de tempérance et de modération qu’il avait pourtant prônées au cours de sa vie, l’archi druide s’abandonna à une fureur vengeresse, et lança ses forces à l’assaut des relais du Royaume. En moins d’une semaine, ceux-ci furent rasés et leur population massacrée, car c’était toute la puissance de la Nature qui se dressait face aux maigres murs des colonies. Les quelques survivants se réfugièrent sur Celebrintalath pour y raconter ce à quoi ils venaient d’assister. Le roi du Palandôr, enragé, rassembla ses troupes pour mener une contre-offensive d’envergure.

Dans les sombres cavernes de Daegroth, l’alarme retentit. Les services de renseignements du Matriarchat racontaient que le Palandôr avait levé une immense armée d’hommes et d’elfes qui se préparaient à prendre la direction de Hyarmengwadôr… L’heure de la vengeance avait sonné. Les elfes autrefois bannis allaient écraser dans le sang cet assaut de leurs anciens frères, exposant à la face du monde la puissance des filles de Lolth. Dans les ténèbres de l’Ombre-terre, une armée se mit en marche.
Simple hasard ou ruse du destin ? Les massacres ne faisaient que commencer. La fatalité voulut qu’à ce moment même, les milliers d’hommes de la Première Croisade du Juste Châtiment quittassent Romenostol pour purifier les premiers infidèles condamnés par l’Empereur : les séides de l’Ordre Ténébreux. Ils pénétrèrent sur Peltoldôr au moment où la colère des druides atteignait son paroxysme. Face à la colère des éléments, ils durent très vite se replier au delà du Pont. A son tour, l’Empereur décréta la mobilisation générale pour venger cet affront.
C’est aux premiers bourgeons du printemps que les généraux se décidèrent à agir. Ils lancèrent leurs armées à l’assaut de Peltoldôr, avec la ferme intention d’éradiquer toute présence ennemie. Nulle alliance ne pouvait contenir la haine qui motivait les belligérants. Un immense ballet de conflits de plus ou moins grande ampleur s’engagea entre les troupes de Celebrintalath, de Hyarmengwadôr et de Romenostol. Les druides agissaient de manière plus subtile, conscients qu’ils ne pouvaient faire face à ces régiments d’apocalypse, et désireux de s’en débarrasser en les dressant les uns contre les autres.
Une période sombre s’engagea pour l’Astorack. Quatre de ses plus riches îles étaient directement touchées par le chaos, ruinées par les trop nombreuses réquisitions et l’interminable effort de guerre. La forteresse d’Argent, isolée par le conflit, manqua à plusieurs reprises de tomber aux mains de l’Ordre Ténébreux. L’Empire du Juste Châtiment ploya sous les coups répétés des hobgobelins du Sud de Romenostol et frôla l’effondrement. La main mise de Daegroth sur l’Ombre-terre s’assouplit, permettant à des peuples jusque là plus ou moins soumis, comme les flagelleurs mentaux ou les tyrannoeils, de s’affirmer en tant que communautés indépendantes. Même le Palandôr, pourtant fondé sur des préceptes d’entraide et de coopération, subit les effets de la crise : les bourgades les plus éloignées de la capitale affirmèrent leur indépendance et développèrent leur mode de vie propre de façon autonome.
Cinq siècles de combats presque ininterrompus suivirent. La guerre embrasa Peltoldôr. Très vite, les druides comprirent que les choses s’étaient développées hors de tout contrôle possible, et à la mort de Talienas, ils se résignèrent à quitter l’île, s’exilant volontairement sur Sûltalath, qu’ils espéraient pouvoir préserver des affres de la civilisation plus efficacement qu’ils ne l’avaient fait pour Peltoldôr. Cet épisode sanglant de leur histoire les marqua pendant très longtemps, au point que le Bosquet des Vents fondé sur Sûltalath s’affirma comme ouvertement pacifiste.
Les druides ne furent pas les seuls à devoir quitter Peltoldôr. Si les tribus barbares de l’île se joignirent pour la plupart à l’une ou l’autre armée, fières des pouvoir faire la preuve de leurs talents guerriers dans des conflits de si grande ampleur, de nombreux monstres durent fuir leur terre natale. C’est notamment le cas des ogres, trolls et autres ettins qui, pourchassés par tous, migrèrent en masse vers l’Est, vers les seules régions encore inhabitées où ils pourraient trouver refuge, vers l’archipel insalubre de Daerosemyn. Là, ils s’installèrent et reprirent leur mode de vie d’antan, peuplant petit à petit les marécages et autres montagnes désertiques qu’ils trouvèrent sur leur route.

Au cœur de Peltoldôr, isolé et ignoré de tous, existait depuis de nombreux siècles un monastère dédié à Kord, et où les moines développaient tranquillement leurs techniques ancestrales de méditation et de combat. Nul ne se serait douté que c’était entre ces paisibles murailles qu’allait se jouer le sort du conflit de Peltoldôr.
Toute guerre entraîne son lot de déserteurs, et c’est par pure coïncidence qu’un groupe d’entre eux, un petit régiment fuyant la tyrannie des généraux impériaux, découvrit le monastère par un matin d’automne. Les moines les accueillirent chaleureusement, et ils s’y réfugièrent. Petit à petit, au travers d’une étrange rumeur qui traversa les rangs des armées ennemies, on apprit que le monastère constituait un véritable havre de paix au cœur de tous ces carnages. De plus en plus de fuyards se retrouvaient là-bas, et la situation échappa quelque peu au contrôle des moines.
Le monastère devint hameau puis village, certains soldats déserteurs trouvèrent des moyens souterrains pour faire venir leur famille, et la bourgade grandit à l’insu de tous les généraux. En cinq siècles de guerre se construisit une véritable forteresse sur l’emplacement de l’ancien monastère, très difficile à repérer car bâtie au cœur d’une couronne montagneuse. Cependant, les déserteurs ne se contentaient plus de fuir leurs supérieurs : sûrs de leur refuge, ils propageaient par différents moyens des vents de panique à l’intérieur des rangs armés, favorisant ainsi de nouvelles désertions, et espérant ainsi forcer les trois belligérants à se retirer. Très vite, l’influence de la Cité-Monastère devint énorme dans le déroulement des combats.
Les officiers des trois bords ne pouvaient ignorer plus longtemps cet affront. Une trêve fut décrétée pour la première fois depuis ce printemps fatidique, et trois armées convergèrent ensemble vers le repaire des déserteurs. Ceux-ci comprirent vite qu’ils avaient été trop téméraires en tentant d’agir sur le conflit : malgré les quelques milliers de soldats qu’ils pouvaient rassembler, ils étaient mal préparés et mal équipés, et en tous les cas incapables de tenir un siège longtemps face à ces troupes parfaitement formées et disposant de tout un attirail de machines de guerre.
Mais dans l’ombre les Puissants observaient. Ils avaient été sortis de leur long sommeil par les rumeurs des terribles conflits qui se déroulaient à la surface, et à présent, depuis leurs grottes cachées dans les sommets les plus inaccessibles, il décidèrent qu’il était temps d’agir. Si le conflit de Peltoldôr reprenait après la chute de la Cité-Monastère, l’équilibre du monde serait durablement bouleversé et à terme ce plan encore préservé ne pourrait que succomber à la fureur des forces extérieures.
Lorsque les trois armées parvinrent en vue de la Cité-Monastère, elle se préparaient à une bataille courte et à une reddition rapide des insurgés. Nul général, nul soldat parmi les troupes des trois îles ne pouvait prévoir ce qui allait se passer. Le lendemain de leur arrivée, alors qu’Illuin dardait de ses rayons puissants le sol de Peltoldôr, une ombre se répandit sur les terres. Du nord, du sud, de l’est et de l’ouest, des dizaines de silhouettes gigantesques glissaient sans bruit à travers les cieux. La surprise fut totale : dans un déluge de feu et de flammes, les dragons s’abattirent sur les assiégeants, réduisant leurs armées à néant. Aucun témoin ne devait subsister, mis à part les hommes de la Cité-Monastère.
Les grands reptiles disparurent comme ils étaient venus, regagnant leurs anciens territoires pour surveiller leur monde depuis leurs pics isolés. Ils savaient trop bien que s’ils restaient groupés, la vengeance des Dieux serait terrible. Les anciennes querelles réapparurent plus fortes que jamais après cette brève alliance, après que le monde fut une fois encore passé au bord de la destruction, et le ressentiment des dragons de métal envers les dragons chromatiques devait persister à jamais dans la mémoire de leur trahison passée.
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